Citation

Âge : 36 ans Date et lieu de naissance : 12 Octobre 1979, Thunder Bay Origine(s) et nationalité : Canadien, mais a des origines hawaïennes  Occupation(s) : Mécanicien Situation financière : Classe moyenne Situation amoureuse : Célibataire A Thunder Bay depuis... : Il y est né, mais vient seulement de revenir après plusieurs années à vivre aux Etats-Unis Etat d'esprit par rapport à l'annonce de la fin du monde : ici. Traits de caractère : ici.

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Life is full of surprises but never when you need one

Sous-titre ∞ Dix-neuf ans sans un mot, sans un seul coup de fil, même pas une carte pour le nouvel an. Dix-neuf ans et tout à coup, il entrait à nouveau dans ma vie. La lettre m'attendait bien sagement dans ma boite, puis elle était restée posée sur mon bureau pendant presque une semaine. Je n'osais pas l'ouvrir, c'est vrai. Je n'ai pas reconnu tout de suite l'adresse du destinataire, mais je connaissais bien la ville d'où elle venait. Thunder Bay. Une lettre d'un cabinet de notaire à Thunder Bay, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose et même si je me doutais que ce jour viendrait, je n'étais pas encore prêt à l'affronter.

Mais il a bien fallu, éventuellement. L'enveloppe me narguait sans arrêt, chaque soir quand je revenais dans mon petit appartement au coin de Chase Street à Burlington, Vermont. On passait nos soirées à se regarder en chien de faïence ; elle sur le bureau, posée bien sagement et moi sur le canapé, à me demander comme un con ce que j'allais faire. L'ouvrir, finalement. Lire les mots d'un inconnu qui m'annonçait la mort de mon père, en multipliant les formules de politesses, les expressions de sympathies, les condoléances. Et enrobant la mauvaise nouvelle dans la promesse d'une récompense, la lecture du testament. Cet enfoiré m'avait tout laissé, à moi, son unique fils à qui il n'avait pas même pensé en dix-neuf ans. Enfin, « tout », c'est un bien grand mot. Il ne possédait rien, juste sa maison et toutes les saloperies qu'elle pouvait contenir. Et maintenant c'était à moi. Même pas besoin de payer pour l'enterrement, tout avait été pris en charge, si c'est pas génial.

J'ai décidé de ne rien répondre, de ne pas prendre contact avec le notaire ni avec qui que ce soit d'autre là-bas. Cette vie, ce n'était plus la mienne. J'avais quitté Thunder Bay le lendemain même après la fin du lycée, sans me retourner, sans regretter et je ne comptais pas revenir sur ce qui avait été la meilleure décision de toute ma vie. Rien ne me retenait là-bas, même pas quelques amis, pas de petite-amie, juste lui. Samuel Carter. L'enfoiré qu'on appelait mon géniteur. Pourquoi est-ce que je serais resté avec lui ? Il avait passé sa vie à me détester, me reprochant la mort de sa femme, son grand amour, ma mère. Il s'était pas dit que peut-être, moi aussi ça me faisait du mal qu'elle soit plus là. Que c'était pas vivable pour un gamin de mon âge de perdre sa mère et puis de voir son père se noyer dans l'alcool et passer sa colère sur son gosse. J'y ai cru longtemps, que c'était ma faute. Que si j'avais pas fait le con, elle n'aurait jamais eu à venir me chercher à l'école après mes deux heures de retenues et que cet enfoiré de chauffard n'aurait jamais percuté sa voiture. Mais comment j'aurais pu deviner ? Et puis merde, je la conduisais pas cette caisse, j'avais à peine 12 ans. Qu'il en soit dévasté, je pouvais le comprendre, je l'étais aussi. Mais pourquoi ne pas essayer de traverser ça ensemble, comme une famille, au lieu de supporter chacun de notre côté en laissant grandir la haine ? Lui seul connaissait la réponse à cette question et maintenant, il ne me la donnerait jamais.

Je ne voulais pas revenir, revivre toutes ces années d'horreur. Pourtant, j'y pensais tout le temps. Chaque fois que je me retrouvais enfermé tout seul chez moi et que rien ne parvenait à occuper mon esprit bien longtemps. Mais je tenais bon, je ne partais pas. Jusqu'à ce qu'on annonce que c'était la fin. Que la vie cesserait pour tout le monde d'ici un an. C'est pas tant que j'ai eu peur de mourir ou quoi que ce soit de ce genre. J'crois même pas que ces histoires soient vraies. La fin du monde, quelle bonne blague. Mais... Et si c'était vrai ? Fichue conscience qui s'est mise à se réveiller tout à coup et toutes les choses qui m'étaient passées sous le nez au cours de ma vie qui me revenaient en pleine figure. Je n'avais pas d'enfant, pas de femme dans ma vie, un boulot minable et pas très bien payé. Rien ne me retenait nul part, finalement. Si cette histoire d'astéroïde était vraie, alors j'allais quitter ce monde sans laisser la moindre trace de mon passage. Et personne ne serait là pour pleurer avec moi pendant les dernières secondes de l'Humanité.

Alors tout à coup, revenir à Thunder Bay est devenu vital. Retrouver mes racines et changer d'air en même temps. Voir à quoi ressemblait la vie que j'avais laissé derrière moi soit-disant sans regrets des années plus tôt. J'ai démissionné, j'ai fait mes valises et je ne les ai plus posées avant d'arriver devant la maison de mon père. Du moins, si on peut appeler ce truc une maison, plus un taudis perdu dans les bois aux abords de la ville. Pendant mon absence, il avait tout laissé se détérioré et le fait que personne ne se soit occupé des lieux pendant plusieurs mois n'aidait pas. Mais je sais pas... C'était l'endroit où j'avais grandi, peut-être celui où j'allais mourir. La boucle serait bouclée, au moins. Et en attendant de savoir si oui ou non, j'allais mourir dans quelques temps, j'avais bien l'intention de me débarrasser de tous mes démons et de vivre un peu, pour une fois.